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La Libre Belgique
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jeudi 21 février 2013
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jeudi 21 février 2013
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La Libre Belgique
Y a-t-il quelque chose
de pourri
dans l’Olivier wallon ?
l
Ces derniers jours,
après la sortie
du ministre écolo Nollet,
les partis de la coalition
wallonne se sont
une nouvelle fois écharpés,
au grand bonheur
de l’opposition libérale.
Existe-t-il un vice
de fabrication
dans cette majorité
ou est-on déjà entré
en campagne ?
Interviews croisées.
CHRISTOPHE LICOPPE/PHOTO NEWS
Non
MAXIME PRÉVOT
Chef du groupe CDH au Parlement wallon
Chaque fois qu’elle a le sentiment, en regardant par le trou de la serrure, qu’il y a quelque chose qui pose une difficulté,
l’opposition ne résiste pas à la tentation de dire que rien ne va dans la boutique. Il est bien que les différences de sensibilité
puissent continuer à s’exprimer, sans quoi on aurait des gouvernements aseptisés.
N’est-ce pas difficile de dire, aujourd’hui, que tout fonc-
tionne au mieux au sein de la majorité à la Région wal-
lonne ?
On fantasme beaucoup là­dessus. Soyons clairs : un
ménage à trois est toujours plus compliqué, c’est vrai.
A fortiori lorsqu’il a la chance de se composer de fortes
personnalités. Quand on a un attelage avec des gens
compétents, engagés et impliqués, même si cela gé­
nère parfois un peu plus de friture sur la ligne, il n’en
demeure pas moins que c’est quand même plus effi­
cace pour faire avancer les choses. Evidemment, on est
dans un contexte où il est de bonne guerre pour l’op­
position, à chaque fois qu’elle a le sentiment, en regar­
dant par le trou de la serrure, qu’il y a quelque chose
qui pose une difficulté, qu’elle ait cette tentation de
dire que rien ne va dans la boutique. Willy Borsus, que
je respecte beaucoup par ailleurs, est un habile com­
municateur et il ne se prive pas d’essayer d’exercer son
talent en donnant parfois à certains éléments plus
d’importance qu’ils n’en méritent et en faisant très
vite des tempêtes dans un verre d’eau.
Les critiques ne viennent pas que de l’opposition. Votre
propre président, M. Lutgen, n’y est pas allé avec le dos de
cuiller à l’égard du ministre Nollet suite aux récentes dé-
clarations de celui-ci...
Bien sûr, mais je trouve cela particulièrement sain. On
a toujours cette propension dans le monde journalisti­
que et au sein de l’opinion à penser que, parce que des
formations politiques travaillent ensemble, cela signi­
fie qu’elles pensent toutes la même chose sur tout. Ce
n’est pas parce qu’on fait partie d’un attelage que cela
signifie qu’il y a une sorte de fusion de l’ensemble des
projets et des sensibilités. Le fait de constituer un gou­
vernement signifie qu’on a la volonté respective de
mettre en œuvre une série de projets sur lesquels un
consensus a pu être dégagé. C’est à la fois tout cela,
mais aussi pas plus que cela. Dans un pays démocrati­
que comme le nôtre, il est bien que les différences de
sensibilité puissent continuer à s’exprimer, sans quoi
on aurait alors des gouvernements aseptisés. Le fait
que vous soyez en couple et que vous décidiez de vous
marier ne signifie pas que, du jour au lendemain, les
personnalités des conjoints en viennent à se confon­
dre, à se fondre ou à se morfondre. C’est plutôt une vo­
lonté de partager un projet commun qui n’empêche
pas que, de temps à autre, il puisse y avoir de petites di­
vergences.
L’opposition dit que votre bilan est très pauvre. Votre réac-
tion ?
D’abord, ce qui serait une vraie surprise, c’est que l’op­
position dise autre chose. Nulle part à travers le
monde, une opposition parlementaire n’offre plus de
fleurs que de pots à une majorité en place. Rien que le
fait que ces propos viennent de l’opposition mérite
donc qu’ils soient largement nuancés. Pour ce qui me
concerne, je vois qu’on a un gouvernement qui est
composé de personnalités motivées. Cela n’empêche
pas qu’à certaines occasions, on ait nous­mêmes des
interrogations sur l’opportunité de certaines démar­
ches. Aujourd’hui – et cela devrait amener un peu de
modestie de la part de tous les parlementaires, de la
majorité et de l’opposition – gérer n’est pas quelque
chose de facile. A fortiori dans un contexte général de
crise où les gens, légitimement, attendent des autorités
qu’elles apportent des solutions à tout, même aux pro­
blèmes sur lesquels elles n’ont plus de maîtrise directe.
Dans ce contexte général de raréfaction des moyens
publics, de complexification croissante du cadre dans
lequel les responsables politiques doivent prendre des
décisions, la prise de décision est plus difficile. Et inévi­
tablement, quoi qu’on décide, on fait souvent l’objet
de critiques. Or le meilleur moyen de ne jamais se
tromper, c’est de ne rien faire.
N’est-on pas déjà entré en campagne électorale ?
On arrive à une période où de toute manière, quoi
qu’on décidera et dira, on mettra systématiquement le
post­it préélectoral. Moi, j’ai encore la naïveté de pen­
ser qu’on n’est pas encore en campagne et que ce n’est
pas souhaitable qu’on le soit, car les citoyens attendent
de nous qu’on s’attaque à des enjeux plus essentiels
que de commencer déjà des chamailleries de gamins.
Entretien : J-P. Du.
“J’ai encore la naïveté
de penser qu’on n’est pas
encore en campagne
et que ce n’est pas souhaitable
qu’on le soit, car les citoyens
attendent de nous
qu’on s’attaque à des enjeux
plus essentiels
que de commencer déjà
des chamailleries de gamins.”
BRUNO FAHY/BELGA
Oui
WILLY BORSUS
Chef de groupe MR au Parlement wallon
Le gouvernement wallon est réuni par une vision de gauche sur certains dossiers. Par contre, dès l’instant où il faut décider,
il n’y a plus personne. On ne voit pas la vision stratégique que le gouvernement porte. Il faut être au Parlement
pour entendre les invectives que se lancent les composantes de la majorité.
Y a-t-il un vice de fabrication au sein de l’Olivier wallon ?
Tout simplement, l’Olivier ne fonctionne pas depuis
le début de la législature. La première raison, c’est
qu’il y a, depuis le départ, de fortes tensions au sein
du gouvernement. Elles ont concerné à la fois des thé­
matiques de fond mais aussi des attitudes de compor­
tement des ministres. Il faut se souvenir de la gué­
guerre que le ministre Ecolo Nollet a menée pour
s’emparer du bureau de son collègue Marcourt au
lendemain même de l’installation du gouvernement.
Ce sont des éléments qui en termes de tonalité com­
pliquent les choses lorsqu’ils s’ajoutent, de surcroît, à
des tensions sur les dossiers de fond. Depuis le début,
l’Olivier déçoit. Enfin, indépendamment de la mé­
thode, regardons les résultats. Est­ce que la Wallonie a
aujourd’hui significativement redécollé ? Malheureu­
sement non. Le gouvernement a beaucoup dépensé
dans la communication, que ce soit en énergie et en
argent. Mais la communication ne fait pas l’action. Et
l’emballage ne fait pas le résultat.
La coalition en place est-elle une alliance contre nature ?
Je pense qu’on observe vraiment des oppositions et
des antagonismes forts. Le gouvernement est réuni
par une vision de gauche sur certains dossiers, par
exemple lorsque l’Olivier n’accepte pas de décider un
véritable parcours d’intégration, ou quand il n’ac­
cepte pas la rationalisation du secteur public pour­
tant excédentaire et coûteux. Il y a un fond politique
de gauche ; par contre, dès l’instant où il faut décider
sur des dossiers importants, il n’y a plus personne.
Pourtant, ce ne sont pas les dossiers importants qui
manquent : créer de l’espace pour l’activité économi­
que, rationaliser le code wallon de l’Aménagement
du territoire, décider d’un schéma d’implantation
des activités commerciales, mobiliser des moyens
pour la formation immédiate. Dès que l’on entre
dans des dossiers plus structurants, on constate que
cela bloque. Un des éléments du blocage est cette es­
pèce d’intégrisme des Ecolos qui, très souvent, se pré­
sentent comme les détenteurs de “la” vérité. Alors
quand le ministre Nollet tente d’imposer sans la
moindre vergogne – on l’a encore vu cette semaine –
sa vision des choses, forcément cela crée des difficul­
tés.
Est-ce que l’opposition MR ne tire pas indistinctement sur
tout ce qui bouge ?
Nous passons le plus clair de notre temps à émettre
des propositions, comme le parcours d’intégration, le
service minimum dans les transports en commun, la
rationalisation des outils économiques et financiers.
Nous sommes aussi une force de contrôle du travail
de gouvernement. Et quand la majorité est véritable­
ment dans une situation de crise sur un dossier,
comme celui des kilowatts gratuits du ministre Nollet,
ou comme celui de la non­gestion de 2,5 milliards
d’euros de certificats verts, quand on a des situations
comme celles­là, n’est­ce pas le rôle des parlementai­
res de faire bouger le gouvernement et de venir avec
des propositions concrètes ? Le pire aujourd’hui est
que dans ce dossier de l’énergie, mais dans d’autres
aussi, on ne voit pas la vision stratégique que le gou­
vernement porte. Il faut être au Parlement pour en­
tendre les invectives que se lancent les composantes
de la majorité.
Seriez-vous favorable, après 2014, à une coalition qui re-
prendrait tous les partis démocratiques, comme cela se
passe un peu au fédéral ?
Nous avons la volonté de porter le changement en
2014. C’est­à­dire de décider radicalement d’orienta­
tions nouvelles par rapport à ce qui se passe mainte­
nant. On sera, de plus, dans un contexte exceptionnel
avec le transfert des compétences nous venant du fé­
déral et il ne faudra pas se louper là­dessus. Autre élé­
ment, c’est le cadre budgétaire régional qui suscite
beaucoup d’inquiétudes. Tout nous conduit à croire
qu’il va falloir, en 2014, avoir un exercice de respon­
sabilité très important. Dans ce contexte, il m’apparaît
qu’une espèce de rassemblement de toutes les forces
politique serait terriblement négative et je ne vois pas
comment cela pourrait incarner cette volonté de rup­
ture et de changement que nous portons.
Entretien : Jean-Paul Duchâteau
“Le gouvernement
a beaucoup dépensé
dans la communication,
que ce soit en énergie
et en argent.
Mais la communication
ne fait pas l’action.
Et l’emballage ne fait pas
le résultat.”
ERIC LALMAND/BELGA