Une démocratie locale réformée, un projet de territoire fédérateur

la carte blanche (Le Soir Jeudi 9 juillet 2015)

 

Il est temps de mettre à jour le Code de la Démocratie locale afin de l’adapter aux réalités locales et d’y insérer un schéma de référence pour la structuration supracommunale du territoire !

 

Il m’apparaît d’ailleurs nécessaire de repenser la démocratie locale dans le cadre plus large des institutions francophones. Wallons et Bruxellois méritent un projet politique clair au sein du cadre belge. A la veille d’une responsabilisation financière accrue des entités fédérées, j’en appelle à une prise de responsabilité et à davantage d’audace pour que demain, nos territoires participent à l’essor d’une Wallonie plus attractive, tant pour y vivre que pour y développer ses talents.

 

J’en suis persuadé, le schéma institutionnel actuel est trop étriqué pour les gestionnaires publics locaux, en témoignent les nombreuses initiatives spontanées visant à instaurer des aires de coopération supracommunale au sein de notre Région. Ces initiatives se développent sans encadrement légal, le Gouvernement wallon n’ayant pas encore saisi l’importance et l’urgence de revoir l’organisation du territoire wallon afin, notamment, d’en améliorer son attractivité et sa compétitivité.

 

Les enjeux sont très variés. Tout d’abord d’un point de vue démographique, l’augmentation continue de la population nécessite la mise en place d’infrastructures et d’une offre de services collectifs toujours plus importantes. Sachant que chaque année en Wallonie, 19km² de terrains agricoles, soit l’équivalent de 2.600 terrains de football, disparaissent au profit de l’urbanisation, l’enjeu environnemental apparaît intimement lié à l’enjeu économique, révélant l’impérieuse nécessité de rechercher un équilibre entre économie et environnement. Les questions budgétaires, avec en ligne de mire l’autonomie financière accrue de la Wallonie à l’horizon 2022, sont un autre enjeu de taille, obligeant les gestionnaires publics à veiller à une allocation optimale des ressources.

 

De la Province à l’institution supracommunale

 

C’est pourquoi je propose l’instauration d’une nouvelle démocratie locale, intégrée et dynamique, garante d’une utilisation rationnelle des deniers publics.

 

Comme le permet désormais la Constitution, un décret remplacera les institutions provinciales par des institutions supracommunales au sein desquelles un projet de territoire sera élaboré sur base d’un diagnostic pointant les points forts, faiblesses, opportunités et menaces de notre territoire provincial, anticipant les changements futurs, et positionnant utilement les actuelles provinces, leurs talents et leurs ressources, au sein de la Wallonie et de l’Europe.

 

Associés au sein d’un projet de territoire fédérateur, centres urbains et régions rurales participeront, par leurs qualités propres, à une ambition commune.

 

Le fait supracommunal résolument affirmé !

 

L’institution sera organisée autour de deux instances principales, dont le conseil qui sera mixte, consacrant la moitié des sièges à des élus directs émanant de listes électorales supracommunales, les autres conseillers étant élus au second degré des conseils communaux. La présence d’élus communaux au sein du conseil supracommunal renforcera le caractère intégré de cette nouvelle démocratie locale ! Le second organe sera un Collège supracommunal, composé d’élus émanant du Conseil, sans qu’il ne soit possible de cumuler une fonction exécutive communale avec un mandat dans le Collège supracommunal.

 

En corollaire du pouvoir fiscal qui sera conféré à la supracommunalité, la rigueur devra caractériser les décisions engagées par les élus supracommunaux. Cette indispensable parcimonie dans la dépense publique est un des enjeux de cette réforme : viser une allocation optimale des ressources et par là, éviter les dérives sous-localistes amenant par exemple à la construction, sur le territoire de communes voisines, d’équipements ou d’infrastructures répondant deux fois plutôt qu’une aux besoins des habitants du coin. Il n’est pas question de restreindre l’action publique de l’institution supracommunale, mais plutôt de s’assurer d’un accompagnement utile et intelligent des projets menés au sein des communes !

 

Cette préoccupation de bonne gouvernance trouvera un écho sur le plan des ressources humaines, via la mise en place de pôles de métiers mis à la disposition directe des entités locales. Je pense précisément à des membres du personnel provincial qui, constitués en équipes d’appui, pourront contribuer directement à la gestion administrative des communes et CPAS par leur spécialisation (marchés publics, GRH, indicateurs-expert, etc.).

 

Des politiques provinciales reprises par l’institution supracommunale

 

J’identifie différents domaines d’action au sein desquels la province est active et que l’institution supracommunale devra reprendre en main dans une logique supracommunale : la santé et le social, l’économie (incluant le tourisme et l’agriculture), les infrastructures, l’aménagement du territoire et la mobilité.

 

Quant à l’enseignement, il pourrait être transféré à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Toutefois,  je préconise à titre personnel, dans le cadre d’une réorganisation plus large du paysage institutionnel francophone, de doter la Région de cette importante compétence afin de créer, enfin, un axe enseignement – formation – emploi au sein d’une seule et unique entité.

 

Les intercommunales : bras opérationnels de l’autorité supracommunale

 

Je ne peux faire l’économie d’une réflexion sur les intercommunales dans le cadre de cette carte blanche. Partant du constat que les discussions au sein de leurs organes sont davantage portées sur des questions techniques que sur les enjeux de société déjà évoqués ci-dessus, la place qu’occuperont les intercommunales dans cette nouvelle démocratie locale est celle de bras opérationnels exécutant les orientations politiques contenues dans le projet de territoire établi par l’institution supracommunale.

 

Je souhaite que chaque intercommunale soit un bras armé de l’institution, liée à cette dernière par un contrat d’objectifs découlant directement du projet de territoire.

 

***

 

Vous l’aurez compris, face aux besoins d’une société qui a fortement évolué ces dernières décennies et tenant compte des difficultés budgétaires endurées par les pouvoirs publics, je propose une nouvelle donne pour les institutions francophones, qui passera par une réforme de la démocratie locale, intégrée et plus fédératrice.

 

Pierre-Yves JEHOLET

Chef du groupe MR au Parlement wallon