Un équilibre juste pour un accord transatlantique fort

Carte blanche parue dans l’Echo (par Virginie Defrang-Firket & Georges-Louis Bouchez).

 

Le traité transatlantique a déjà fait couler beaucoup d’encre. Il ne se passe pas une semaine sans que ce sujet ne soit sous le feu des projecteurs avec la même sempiternelle rengaine de la part de certains: non à l’envahisseur américain, celui qui nous obligera à mettre du bœuf aux hormones et du poulet chloré dans nos assiettes, et qui prendra un malin plaisir à privatiser nos services sociaux!

Qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est évidemment pas le résultat recherché et dont il est d’ailleurs fait mention. Au contraire, nous estimons qu’il pourrait résulter de ces négociations pour les européens une réelle plus-value. Ceci constitue en effet une opportunité afin de créer de la croissance et donc des emplois. Aussi, pourquoi croire que l’Europe et ses dirigeants négocieraient-il en permanence contre les intérêts de leur propre population ? Ce serait une vision populiste, absurde et complotiste à laquelle un démocrate convaincu ne peut adhérer.

Rappelons que le traité transatlantique, mieux connu sous son acronyme « TTIP », a pour objectifs d’éliminer réciproquement les barrières tarifaires et non tarifaires, de réduire les obstacles administratifs réglementaires grâce à une convergence par une harmonisation, une simplification des procédures et des instruments, ainsi que par des mécanismes pour  tendre vers des cadres plus homogènes et compatibles.

Concrètement, de quoi s’agit-il ? Permettre à des artisans belges de vendre plus facilement leurs produits spécialisés sur les marchés américains et de faire en sorte de protéger leurs appellations à l’international ; remettre des offres dans le cadre des procédures de marchés publics américains, éviter les coûts de tests redondants ou encore exporter ses produits à moindre coûts. Plus parlant encore : les fruits et les légumes européens ne peuvent atteindre les Etats-Unis que via le port régional de Philadelphie, une obligation administrative qui a les mêmes effets qu’une restriction aux échanges. De l’autre côté, les fruits et légumes américains peuvent être exportés rapidement et accéder aux 500 millions de consommateurs européens via tous les ports du continents.

Rendre les échanges commerciaux moins chers et plus souples, par une coopération accrue avec les Etats-Unis profiterait à une multitude d’entreprises belges, petites et grandes, opérant sur le marché américain, ainsi qu’à tous leurs fournisseurs.

C’est sans compter, par ailleurs, l’opportunité unique que nous offrent ces négociations d’instaurer, comme référence, les standards européens qui sont élevés en matière de protection de l’environnement, du consommateur. Cet atout stratégique sera non négligeable lorsque nous négocierons avec d’autres pays comme, par exemple, la Chine.

Le TTIP permettrait de renforcer la position de l’Europe sur l’échiquier mondial. Il pourrait aussi servir de « rampe de lancement » dans le cadre d’une réouverture de négociations multilatérales au niveau de l’OMC.

C’est pour toutes ces raisons que nous pensons qu’il est préférable de poursuivre les négociations, plutôt que de les suspendre ou les stopper. Néanmoins, restons vigilants,  rappelons sans cesse les principes sur lesquels nous ne transigerons pas et appelons à un maximum de transparence. Se positionner une fois le texte définitivement élaboré n’est-il pas plus cohérent que de rejeter tout de suite un projet qui, à l’heure actuelle, n’existe finalement qu’à l’état de brouillon ?

La position des partis demandant l’arrêt total des négociations pose question. Ceux qui ont marqué leur accord hier pour donner mandat à la commission européenne s’offusquent soudainement aujourd’hui. Agissent-ils par conviction ou par pure opportunisme politicien ?

Par ailleurs, le secret des négociations tant dénoncé n’est qu’un prétexte. En effet, les mandats de négociation sont publics. Les textes devront être adoptés dans tous les parlements des pays européens (neuf en Belgique !) où l’expression des représentants du peuple doit trouver sa place. Par ailleurs, il est normal qu’une négociation ne se fasse pas en direct dans les médias, au même terme que la formation du Gouvernement, sous peine de ne jamais aboutir. Il y a un temps pour la préparation sereine et un autre pour le débat démocratique vivifiant.

Nous sommes évidemment sensibles à certaines craintes émises par un certain nombre de citoyens. Il est important d’y répondre de manière responsable, objective, mais aussi constructive. Néanmoins, ce que nous n’acceptons pas, c’est l’instrumentalisation qui en est faite par certains afin de susciter, par des messages réducteurs, la peur au sein de la population.  Selon nous, le rôle du responsable politique n’est pas d’attiser les peurs, mais au contraire, d’y apporter les réponses pour améliorer le bien-être de chacun !