Se passer du nucléaire en Belgique ? « Impossible » pour Manu Douette

Les ambitions en matière de réduction des gaz à effet de serre en Wallonie – en Belgique et en Europe aussi, d’ailleurs – sont élevées. Les projets visant à remplacer les énergies fossiles seront-ils suffisants ? C’est la question que s’est posée le député wallon (et bourgmestre de Hannut) Manu Douette (MR). Une question qu’il juge cruciale dès l’instant où la Belgique veut dans le même temps renoncer à la production de l’énergie nucléaire, faible en émissions de CO2 mais posant les questions de la sécurité avec des centrales vieillissantes et du traitement des déchets.

L’élu de la province de Liège a réfléchi à une stratégie globale qui doit permettre d’atteindre les objectifs fixés, notamment, par la Déclaration de politique régionale wallonne (DPR) du gouvernement Di Rupo (PS-MR-Écolo).

Bien conscient qu’on ne lui a rien demandé, Manu Douette veut surtout susciter un débat. Et, en tant que parlementaire wallon, il compte bien tenter d’agir au sein de l’assemblée où il est élu. “On peut détruire tout ce que j’ai fait, mais je souhaite vraiment ouvrir un débat qui sort des positions que chaque parti défend. J’ai voulu me renseigner en profondeur sur cette question et proposer des pistes de solutions pertinentes avec un modèle de société cohérent” , lance-t-il d’emblée. Il sait aussi que ce n’est pas seulement en Wallonie que la réflexion doit être menée, c’est à l’échelle du pays tout entier qu’il faudra la mener de manière plus globale.

Le constat qu’il présente est clair. Avec ce qui est prévu pour l’instant, on n’atteindra pas les ambitions annoncées sans conserver une part de production d’électricité via le nucléaire. Il s’explique. “La Belgique consomme en moyenne chaque année 420 TWh (terawatts-heure, NdlR) . Notre approvisionnement énergétique, toutes énergies confondues, est dépendant des énergies fossiles à hauteur de 80 % environ. Le pétrole, le gaz, etc. L’énergie venant de l’électrique représente 17 à 20 %. Le nucléaire représente 50 % de cette part d’électrique, soit 10 % de la production totale. Les nouveaux projets en énergies vertes servent pour l’instant à compenser une partie de la perte du nucléaire.” Rappelons que la Belgique s’est engagée à sortir du nucléaire en 2025.

Mesures wallonnes insuffisantes

Il poursuit son calcul. “En additionnant de manière très optimiste l’impact des mesures qui sont prévues, comme l’isolation des maisons, l’augmentation des transports en commun, la mobilité douce, l’effort des industries, la conscientisation citoyenne, etc., ce ne sera pas suffisant. On réalisera seulement une économie d’énergie de 120 TWh. Il reste donc à produire 300TWh. J’en retire 80 qui sont déjà en électrique.”

Avec la sortie annoncée du nucléaire, il ne sera pas, selon lui, possible d’électrifier les 220 TWh restants, même si le député finit par ramener ce chiffre à 140 TWh si on tient compte “d’autres projets autour des énergies renouvelables comme l’intensification des panneaux photovoltaïques, les éoliennes, la suppression des chaudières à mazout. Mais cette production-là est instable”, ajoute-t-il.

Après son constat, le député wallon propose ses solutions. Il évoque tout d’abord le maintien des réacteurs nucléaires belges les plus récents en les sécurisant davantage et en se spécialisant dans le démantèlement des centrales. “Actuellement, sept centrales produisent 40 TWh. Une centrale, c’est en moyenne 5 à 6 TWh. Il faudra plus de trois fois cette capacité pour combler les besoins énergétiques par l’électrique.” Surtout, il propose la mise en place de petits réacteurs nucléaires modulaires (ou SMR). “C’est une nouvelle technologie. Les États-Unis misent beaucoup là-dessus et je sais que la France, l’Angleterre et le Qatar s’y intéressent aussi. Ce sont des petites entités avec moins de concentration en uranium et dont certains déchets sont réutilisables dans le domaine de la médecine nucléaire.”

Des petits réacteurs nucléaires et de l’hydrogène

Il compte aussi beaucoup sur la filière de l’hydrogène pour remplacer le gaz et pour faire rouler une partie du parc automobile, en précisant qu’il faudra “15 ans avant qu’elle ne soit optimale” . Il propose aussi de valoriser les déchets pour produire du biogaz avec une “taxation adaptée” , pour permettre à une filière de se mettre en place. Il demande aussi de se servir des moyens financiers du Fonds Kyoto wallon “pour investir dans de nouvelles technologies. Je ne comprends pas pourquoi la Wallonie ne le fait pas encore” .

Bref, l’homme a des idées et il espère être entendu. Son parti est quand même membre de la majorité, en théorie, il peut l’espérer.