«Nous sommes censés devoir répondre dans l’urgence»

Anne Laffut, vous êtes députée régionale depuis 2019 et bourgmestre de Libin depuis 2006. Ressentez-vous plus de pression aujourd’hui par rapport au moment où vous avez commencé?

Oui car il y a grande différence. Lorsque j’ai débuté en politique, il n’y avait pas les réseaux sociaux. Il m’arrive parfois d’avoir envie de me rebeller ou de réagir par rapport à ce que je lis. Mais plus on avance en expérience, plus on s’endurcit.

Il faut aussi apprendre à laisser couler. Certaines revendications sont légitimes et pouvoir y répondre fait partie de notre mandat comme élu local. Mais il est regrettable de lire des prétendues vérités, des affirmations sans vérification ou des accusations comme le fait que l’on dilapiderait l’argent public.

Désormais vous devez quasi être disponible à tout moment?

Lorsque j’ai commencé, même si les e-mails existaient déjà, on envoyait encore des courriers auxquels

nous avions le temps de répondre. Mais maintenant, il y a WhatsApp et Messenger. La personne qui a envoyé un message voit une notification comme quoi il a été lu. Et parfois si je ne réponds pas dans la foulée, j’ai un nouveau message car nous sommes censés devoir répondre dans l’urgence.

Les gens considèrent aussi que nous sommes responsables de tout, même pour ce qui sort du cadre strictement communal. On essaye d’apporter des réponses lorsque l’on peut aiguiller. Et lorsque je vais quelque part, je ne suis plus vue comme Anne mais comme la bourgmestre. Cela ne me dérange pas d’être disponible ou d’être interpellée; mais tout est dans la manière de nous aborder. La porte de mon bureau est aussi toujours ouverte.

Vous-même, avez-vous déjà eu envie de raccrocher?

J’ai eu un coup de mou et des interrogations, fin de l’an dernier, notamment après la diffusion à la télévision du magazine Investigation sur les sapins de Noël. Nous n’avons rien à nous reprocher, mais j’ai été insultée sur les réseaux sociaux par des gens que je ne connaissais même pas. Dans ces moments-là, j’ai pu compter sur mon entourage ou le collège au sein duquel on s’entend bien. J’ai repris le dessus

Vous comprenez donc que certains bourgmestres, ne résistant plus à la pression, décident de tout arrêter?

Oui à un moment, cela peut être compréhensible

De votre côté, vous avez donc toujours l’envie de continuer? Et si vous deviez choisir entre vos mandats, c’est celui-là que vous choisiriez?

Comme je le dis toujours, je m’endors en pensant à ma commune et à mes dossiers. J’ai toujours envie de mener des dossiers avec notre équipe, bien aidé par notre administration. Je verrai ce que je dirai dans quelques années.